Les procédés d’impression
et le rendu des couleurs Durant le Moyen-âge, les images figurant dans les
livres étaient peintes à la main. L’artiste ou l’artisan avait donc
toute liberté
quant au nombre de couleurs appliquées. De plus, suivant
son habileté il pouvait s’autoriser un haut niveau de
finition. Mais lorsque
l’impression se répandit en occident, tout cela changea : la qualité de
reproduction des traits et des couleurs fut revue à la baisse. Depuis
cette époque,
l’homme cherche continuellement à améliorer les techniques pour
rehausser la finesse du trait et surtout le rendu des couleurs. Les
cartiers en font un cas d’école.
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Un procédé typographique
Au sortir du Moyen-âge, un seul procédé d’impression
était utilisé : la xylographie. Cette technique consistait à graver des
plaques de bois de manière à laisser en bosse les parties à imprimer
en noir et en creux, ou en réserve, les zones à conserver de
la
couleur
du papier, en blanc. Ce principe d’estampage fait partie de la famille
des
procédés de typographie
(à ne pas confondre avec la typographie inventée par Gutenberg
en
1450, qui consiste à imprimer à partir de caractères mobiles). Cette
technique
permettait d’obtenir des traits fins et précis et
c’est celle qui fut utilisée sur les premiers jeux de cartes
populaires, c’est à dire, ceux imprimés en série et non peints à la
main.
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Un graveur sur bois
: Le graveur travaille sur
une petite pièce avec un burin. (source : The
encyclopedia of tarot volume 2, Stuart R. Kaplan, 1986,
page 199. Réimpression d’après Book
of trades , Jost. Amman, 1564).
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Des couleurs au pochoir
La couleurs requiert moins de
précision, c'est pourquoi les cartiers utilisaient une technique
beaucoup moins
coûteuse : le pochoir. Cela consistait à
découper les formes à mettre en couleur dans une fine plaque de métal.
Une fois le pochoir réalisé, il n’y avait plus qu’à placer la feuille
de papier (déja
imprimée avec le trait noir) sous le pochoir, puis à appliquer
la couleur en barbouillant dans les trous avec une brosse large. (C’est
le même procédé utilisé aujourd’hui dans les écoles
maternelles ou à la période de Noël pour réaliser des formes sur les
carreaux des
fenêtres).
L’opération était répétée
autant de fois qu’il y avait de couleurs.
La qualité des aplats variait suivant la manière dont le metteur en couleur s’y prenait et trois artefacts pouvaient apparaître : 1) Suivant la justesse avec laquelle était apposé le pochoir sur la feuille, les couleurs pouvaient présenter un décalage (qui était également dû à la fabrication peu précise du pochoir) ; 2) Suivant le geste et la brosse qu’utilisait l’ouvrier, les aplats de couleurs produisaient une texture variable ; 3) Si le pochoir n’était pas retiré très délicatement, on pouvait obtenir un effet de dérapage qui apparaissait sur les bords des formes. Ce dernier effet pouvait également se produire si le pochoir gondolait ou n’était pas bien aplati contre la feuille. Le temps que prenait la mise en couleur était dépendante du nombre de pochoirs que l'on cherchait à limiter afin de réduire le coût de production. À titre d'exemple, le tarot de Nicolas Conver, faisait l’objet de six applications de couleurs (sans compter le noir), ce qui est assez élevé. Mais pour obtenir plus de teintes sans réaliser de pochoir supplémentaire, on eut l’idée de superposer les couleurs pour obtenir des teintes par mélange. Ainsi, lorsque deux pochoirs étaient évidés sur une même zone de la feuille, on obtenait une couleur supplémentaire, résultat de la synthèse soustractive des couleurs (cet effet se produit même parfois involontairement sur certaines cartes). C’est ainsi qu’apparaît parfois un vert clair sur le plus ancien tarot de Nicolas Conver (voir ci-contre entre les jambes du Fou), actuellement conservé à la Bibliothèque nationale. Les premiers tarots furent mis en couleur au pochoir et cette technique fut la seule employée jusqu’à ce que de nouveaux procédés d’impressions soient mis au point, annonçant le début de la période industrielle. |
Étoile d’une édition Lequart
Arnoult
Débordements, légères trainées dans l’aplat (en diagonale) et surépaisseurs sur les bords. Étoile d’une
édition Camoin Conver
mélange involontaire de bleu et de jaune produisant un vert moyen. Tarot de Nicolas Conver (BNF)
Les herbes au pied du bâton rouge du mat ont une teinte légèrement verte, due au mélange du bleu clair et du jaune. Comparez avec les deux autres touffes qui sont franchement jaunes. |
L’impression mécanisée
Depuis la fin du
xvıııe
siècle, de nombreux procédés d’impression furent
mis au
point : lithographie (inventée en 1796) ; chromolithographie (1837,
utilisée dans le tarot
de Besançon de Grimaud) ;
offset (1903), héliogravure (utilisée dans le
tarot d’Oswald Wirth
de 1889) ou sérigraphie (1907). Sans entrer dans
les
détails techniques et économiques de ces technologies et, outre le fait
qu’elles automatisaient une bonne part du travail humain, elles
permettaient d’améliorer la qualité du rendu : étant
plus
précise que le pochoir, elles évitaient les débordements, et
atteignaient une certaine finesse dans le tracé. On en
profita pour réaliser des trames ou des points qui permettait
de superposer les
couleurs dans des proportions variables, augmentant le nombre de
teintes par effet d'optique, et cela sans avoir besoin d'utiliser de
couleurs supplémentaires.
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Tarot dit « de Besançon
» par Grimaud
(signé Arnoult sur le deux de deniers) Des petits points rouges sur les joues et les lèvres donnent, vu de loin, un effet rosé. Contrairement aux tramages automatisés de la photogravure (voir plus bas), cet effet-ci est réalisé sur la matrice à la main. |
Tramages photographiques
le principe de tramage était satisfaisant mais
demandait de réaliser une matrice spécifique à la main par un artisan.
L’arrivée
des procédés photographiques et en particulier de la photogravure
résolurent une partie
des problèmes : Les nuances de couleurs étaient produites à
partir de
trames orthogonale obtenue automatiquement : il n’y avait plus besoin
de
graveur. En fonction du procédé d’impression et des besoins, on
appliquait des trames plus ou moins fortes. C’est le procédé utilisé
dans
la plupart des impressions actuelles : observez-les dans les
magazines, les packaging, les livres ou mieux, les affiches dans la
rue. Vous
reconnaîtrez
alors un des effets préférés de Andy Warhol. Mais cet effet de
trames régulières nous rappelle qu’il y a « industrialisation » et les
artistes cherchent souvent à l’éviter en passant pas d’autres procédés
d’impression telles la sérigraphie ou les techniques en aplats purs. Un
autre inconvénient des techniques avec tramages réguliers est que, si l'images n'est pas correctement préparée, des
artefacts peuvent apparaître sur les bords du traits noir, produisant
un léger flou-tramé.
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Détail de l’Étoile
Camoin Jodorowsky
Pour un résultat optimum, la quantité de couleurs reproduites sur cette édition aurait demandé d’imprimer avec au moins sept couleurs. Il a donc été préféré une impression plus économique à quatre couleurs (cyan, magenta, jaune et noir). Le rose de la peau est obtenu par tramage de jaune et de magenta (voir ci-dessus). On remarque également que le noir a des bords irréguliers qui produisent un léger tramage donnant, vu d’un peu plus loin, un effet de flou. |
Vers une meilleure
qualité
Certains cartiers, plus soucieux de la finition de
leurs cartes évitent
le tramage et limitent volontairement le nombre de couleurs. Les
teintes sont alors imprimées en tons directs à partir d’un
nuancier bien connu des spécialistes de la couleur :
le Pantone.
Pour obtenir des teintes
supplémentaires, on superpose deux tons Pantones, mais toujours sans
tramages, si bien que la qualité des aplats reste optimale. Ce procédé
peut se faire à partir de quatre couleurs (quadrichromie),
ou plus. C’est
le cas du tarot de Paul Marteau de 1930, dont tous les aplats sont
parfaits (bleu, rouge, jaune, rose et noir). Mais sa qualité a été
revue à la baisse dans les années 1970, puisque le rose est désormais
produit par tramage de rouge et de jaune. Et pour
éviter les bordure
noires floues, on utilise une astuce bien connue des
typographes : la
défonce. Le résultat est alors parfait !
Dans certains cas rarissimes, les artistes poussent la recherche de qualité en imprimant en tons directs sans superposition et avec des encres opaques. Le tarot de Niki de Saint-Phalle en est le plus bel exemple. Imprimé par procédé sérigraphique, ce jeu éclate totalement avec ses quinze couleurs en splendides aplats (sans superpositions, ni tramages), mettant parfaitement en valeur l’œuvre originale de l’artiste. |
Tarot flamand de Vandeborre, 1780
Huit couleurs (noir compris) nous offrents une restitution des teintes sans aucun tramage ni effet de flou autour des traits noirs. (reproduction de 1984). Tarot de Niki de Saint-Phalle
Ce splendide tarot exhibe quinze couleurs éclatantes imprimées en tons directs. |
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